LA MUSIQUE : L'ENTENDRE OU L'ECOUTER

12-08-2008 à 18:27:29
Dans ma famille, il y a toujours eu de la musique, (du piano du côté de ma mère, avec un père non praticien mais fortement mélomane), de sorte que dès l’enfance, la musique a été un élément essentiel de ma vie. Je suis d’une époque où rien de tout ce qui existe aujourd'hui comme moyen d'accès à la musique n’existait ; c’était beaucoup plus compliqué de la trouver,
de sorte qu'entendre la musique, c'était presque un '' événement '' : on l'écoutait !
Alors qu'aujourd’hui, elle est devenue infiniment plus facile d'accès : elle est partout, à la radio, à la télévision, et avec les disques, surtout depuis l'apparition du CD, qui en a fait un support beaucoup plus manipulable que le microsillon, puis l'arrivée d'internet, sans compter la presse spécialisée ; elle est non seulement chez soi, mais aussi dehors, partout : dans les magasins, les supermarchés, au milieu de la circulation avec les autoradios, d'abord lecteurs de cassettes puis de CD, les walkman ; avec tous les medias qui s'en sont emparés et elle est devenue omniprésente. De sorte que nous vivons cernés par la musique, que nous l'entendons partout, mais… l'écoutons nous, pire savons nous l'écouter ?
Pour moi, la musique ce sont des sensations provoquées par des sons, qui ne passent pas d'abord par l’intelligence ni même dans un premier temps tout au moins, par la culture. Je pense qu'aujourd'hui l’on fait trop de commentaires, on enrobe trop, on fait trop appel à l'intellect. A tel point que de nos jours, la '' glose '' sur la musique est devenue réellement excessive : les medias, de plus en plus nombreux, démultipliés depuis l'arrivée d'Internet, mais déjà avant, avec la presse, la radio, qui jouent souvent mal leur rôle et sont souvent les pires initiateurs. Ce qui compte, d'abord, c’est d’apprendre à écouter la musique et à l'aimer. C'est une question de sensibilité, et non d'intelligence, ni de culture a priori.
Le commentaire d'une œuvre n'est intéressant que pour celui qui souhaite devenir un musicologue, ou réfléchir sur sa conception ; mais pour la plupart des gens, il n’est pas aussi important que le pense nombre d'animateurs ou chroniqueurs. De même, la vie du compositeur, ou la tranche de vie au cours de laquelle une œuvre a été crée n'est pas primordiale. Pour le commun des mortels, cela n’est pas le plus important.
Du moins dans un premier temps. Le commentaire doit seulement veiller à amener l’auditeur vers sa musique.
Dans l’initiation musicale, il faut d'abord que l'initiateur fasse en sorte qu’il reste de la musique dans l’oreille, et, derrière cela, le goût et l’envie de musique ; l'initiateur à la musique n'a que peu de choses à dire; mais doit d'abord bien choisir ce qu’il va faire écouter. Il doit simplement être un guide, qui fait découvrir une œuvre : si tout le monde peut être ouvert à la musique, il n'empêche qu'on peut souvent ne pas apprécier un morceau à première écoute ; c'est par sa répétition que chacun pourra savoir s'il finit par l'aimer.
L’art de la Musique n’est pas d'en parler, mais de la faire. Comme pour toute autre forme d'art, d'ailleurs.
Que l'on souhaite la vulgarisation de la Musique - encore que je n'aime pas ce terme - c'est sans doute louable ; encore ne faut-il pas s'imaginer que cela transformera la vie des gens ; si je le réfère à une autre '' vulgarisation '' qui s'est opérée dans les dernières années, je veux parler de celle de la lecture avec l'arrivée du livre de poche, on constate qu'en réalité les gens lisent plutôt moins, que le livre se vend moins bien, malgré l'effort de vulgarisation entrepris par les medias de l'époque (Cf. à l'origine les émissions télévisées de Bernard Pivot, puis toutes celles qui l'ont suivie).
Je crains que ce ne soit la même chose avec la musique : je ne suis pas sûr que cet accès à la musique ait vraiment amené plus de gens à cet Art, et les ait rendus plus mélomanes. Qu'il ait éveillé plus de vocations ? Peut-être, mais c'est un autre problème, qui conduit à bien d'autres débats…
Je reprendrai pour terminer, à l'appui de ma pensée deux citations :
De Daniel Barenboïm, d'abord, qui disait récemment :
'' Dans le monde actuel, la musique s’est imposée un peu partout, à tout moment de la vie courante, dans les restaurants, les avions. Nous vivons dans une grande cacophonie. Or cette omniprésence de la musique constitue le plus violent obstacle à son intégration véritable dans notre société. Entendre Brahms en concert ou dans un ascenseur, est-ce la même chose ? Bien sûr que non ! La musique requiert le silence et une concentration totale de la part de l’auditeur. Elle n’a rien à voir avec la consommation passive que nous proposent la muzak et le marketing. Employer Mozart dans une publicité n’est pas une solution à la crise de la musique classique. L’accessibilité ne passe pas par le populisme, mais par un intérêt et une connaissance accrue, cultivée dès l’enfance. L’erreur la plus répandue de nos jours est de croire que l’art est une simple affaire de sensibilité. Mais, sans éducation, on écoute la musique, les sons, sans pouvoir les analyser. Incomprise, la musique ne peut atteindre l’âme. ''Enfin, plus brève mais dans le même sens, de Jacques Attali :
'' Notre époque ne fait plus de musique. Elle camoufle par du bruit la solitude des hommes en leur donnant à entendre ce qu'elle croit être de la musique. ''

--Message édité par le 12-08-08 à 18:29:11--
XIAN
" Der Zeit Ihre Kunst ; Der Kunst Ihre Freiheit "